A propos de la théorie du genre
Émoi dans les familles. A la suite du succès mondial de « La reine des neiges » en 2013, Walt Disney prépare « La reine des neiges 2 » … mais les temps ont changé, cette fois-ci l’héroïne serait lesbienne. Stupeur et controverses !
Même si les studios décidaient de modifier leur projet, le signal est clair. Tôt ou tard, les contes de fées pour les enfants jeunes ou tout jeunes seront « désencombrés » du modèle classique des relations entre les hommes et les femmes.
A l’origine de la théorie du genre
Pour faire court et peut-être trop sommaire, l’usage du concept de genre dans les sciences sociales a pour objectif de mettre en avant que les facteurs culturels seraient plus déterminants pour la masculinité ou la féminité que les facteurs biologiques. En se diffusant, ce concept accompagne la remise en cause de bien des valeurs traditionnelles.
Les théories vont et viennent, et parfois se transforment. La théorie du genre est en train de monter à l’assaut de la société présente. Il est malaisé d’anticiper ce que sera sa carrière dans un avenir proche ou lointain. Mais on peut se demander ce qui est à l’origine de ce phénomène.
Admettons pour un instant que les quelques intellectuels qui ont concocté cette théorie, universitaires brillants mais inconnus du public profane, connaissent un instant de gloire parce que leurs idées rencontrent un écho dans la réalité ambiante. Mais en quoi notre réalité est-elle si différente d’autrefois ?
Que nous enseigne l’histoire de la civilisation occidentale ?
Ainsi posée, la question ouvre une piste. Regardons l’histoire comme il faut parfois la prendre, c’est-à-dire sur la très longue durée. Les grandes lignes à elles seules sont instructives. Pour simplifier, on peut considérer que la civilisation occidentale est née il y a trois millénaires dans le bassin méditerranéen. Plus loin, on ne sait que peu de choses, mais assez pour constater notamment qu’il y avait, avant les sociétés patriarcales que nous avons l’impression d’avoir toujours connues, des sociétés matriarcales. Que s’est-il passé exactement ? Pourquoi le rapport homme-femme a-t-il basculé ? Pourquoi les dieux féminins sont-ils devenus masculins ? Une telle transformation s’est-elle opérée brutalement ou sur un ou plusieurs siècles ?
Peu d’explications, mais un constat. Dans les sociétés que nous connaissons de « mémoire d’histoire ou de poètes », c’est-à-dire celles des trois mille cinq cents dernières années, la condition humaine était dominée par trois contraintes qui ont perduré jusqu’à aujourd’hui, mais qui sont en train de disparaître.
La condition humaine
La première contrainte était celle du combat, de la guerre et de la violence. L’homme avait un rôle précis, il devait l’assumer. D’où l’éducation des garçons à des valeurs morales de courage, d’honneur, de loyauté. La seconde contrainte était celle des travaux de force. L’homme encore. La troisième contrainte était celle de la préservation de la population. Il fallait à tout prix beaucoup d’enfants à une époque où la mortalité à la naissance et dans la jeune enfance était très élevée. La femme les enfants, l’homme la guerre et les travaux physiques. Tel était le schéma de survie collectif.
Autour de ce schéma de base, il y eut de nombreuses variations. Un exemple symbolique en est donné dans le petit chef-d’œuvre de Régine Pernoud, « Pour en finir avec le Moyen-Âge » . Jusqu’au rétablissement par Philippe le Bel du droit romain, donc durement patriarcal, les femmes disposaient dans la société d’un statut et d’une autonomie, voire de responsabilités publiques – un anachronisme de vocabulaire.
Un autre exemple significatif est le bouddhisme du VIème siècle avant J-C, qui a introduit l’idée que toute personne, homme ou femme, était d’abord et avant tout un être spirituel. Il y eut de nombreuses variations, l’essentiel est que les sociétés, quelles qu’aient été leurs cultures propres parfois très ouvertes, construisaient en pratique l’équilibre des rôles autour des trois impératifs de base de la guerre, des travaux de force et de l’enfantement.
Revisiter les valeurs traditionnelles
Mais tout vient de changer, et nous sommes en présence d’une véritable grande première pour l’humanité : la guerre n’implique plus que chaque homme s’y prépare, appuyer sur une touche de clavier ne demande pas un effort particulier, et à plus de sept milliards d’habitants sur la Terre, faire des enfants n’est plus une obligation sacrée.
Il est alors possible de voir les choses de deux façons. Soit regarder en arrière, et scruter les facteurs culturels qui ont marqué les caractères masculin et féminin. Mais alors, on ne devrait pas oublier que, dans le passé, la biologie avait été mobilisée pour répondre aux contraintes liées à la survie de nos sociétés. C’est probablement ce que l’on peut reprocher à la théorie du genre et surtout à la façon dont elle est utilisée. Elle nous amène à relire les habitudes passées comme si les conditions d’aujourd’hui avaient toujours prévalu. Cela débouche à des critiques sans doute valides pour tel ou tel aspect, mais anachroniques sur le fond.
La seconde façon de voir les choses est plus réaliste. Elle consiste à prendre acte du fait que les fondements de la répartition des rôles et des comportements entre hommes et femmes ont volé en éclat. On comprend alors que c’est tout un ensemble de « valeurs » qui se trouve déstabilisé.
Il faudra certes revisiter les anciennes valeurs, mais sait-on où nous allons ? Là, ce n’est pas de l’arrogance qu’il faudrait, mais plutôt de la modestie. Nous sommes dans une période intermédiaire entre les anciennes valeurs, connues, et celles qui finiront par se stabiliser. A-t-on une idée de ce que deviendront les rapports entre les individus, les rapports entre hommes et femmes et plus généralement le vivre ensemble dans une société :
– sans guerre au corps à corps,
– où le travail physique dur n’est plus nécessaire,
– où la mortalité infantile n’est plus un fléau,
– et où l’humanité a le sentiment d’atteindre la limite de ce que la Terre peut supporter ?
Il n’existe dans notre histoire aucune expérience semblable pouvant nous servir de référence. Nous sommes confrontés à l’inconnu. Reconnaissons-le comme tel.